Septembre 2018 – Lancement de la mission
La commission d’évaluation et de contrôle (CEC) est un organe ad hoc de l’assemblée dont la mission est de permettre à l’Assemblée nationale de mettre en œuvre une fonction d’évaluation des politiques publiques transversales, telle que reconnue par l’article 24 de la Constitution. Chaque groupe peut obtenir de droit la réalisation d’une évaluation par session ordinaire.
Voilà pour l’institutionnel. Désigné par mon groupe parlementaire, je suis le seul membre de cette commission pour la France Insoumise.
Une évaluation insoumise à l’épreuve de l’Assemblée.
Dès la première convocation de la commission en octobre 2017, présidée par François de Rugy, je fais porter la voix de mon groupe concernant la nécessité d’une évaluation relative à la politique de lutte contre la délinquance financière.
Notre volonté, faute de pouvoir faire évoluer le champ législatif, est de mettre en exergue l’hypocrisie de la lutte contre la délinquance financière, en objectivant de manière incontestable le manque de moyens mis en place, le fractionnement administratif qui permet une dilution de l’action et donc de la rendre structurellement inefficace… Il faut mettre sur la table les contradictions de ce gouvernement et de ses prédécesseurs, qui dans la réalité ne se donne pas les moyens effectifs de lutter contre cette délinquance.
Mais pourquoi ce thème alors que la littérature universitaire est importante et que le parlement s’est déjà saisi pour partie de cette thématique. Je vous renvoie de manière non exhaustives au rapport de la Commission d’enquête du Sénat présidée par le sénateur Eric Bocquet de juillet 2012 [1] et au rapport d’information de l’Assemblée nationale présidée par les députés Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan [2].
Justement, notre angle d’attaque se porte sur les moyens mis en place par le gouvernement pour lutter contre la délinquance financière.
Si nous estimons que ce sont entre 60 à 80 milliards d’euros qui échappent au budget de l’Etat du fait de la fraude fiscale, soit plus que le déficit de l’Etat, nonobstant d’ailleurs le combat qu’il faudrait mener contre “l’optimisation fiscale“, c’est-à-dire les combines légales inventées par les multinationales et les ultra-riches pour échapper à l’impôt, il faut que le gouvernement mette les moyens pour mettre fin à ces pratiques parfois illégales et toujours immorales. En effet, tout comme la lutte contre la délinquance financière est une question de justice et de démocratie, la question des moyens mis en œuvre est essentielle sinon nous restons dans une lutte incantatoire qui ne sert que de prétexte de communication pour les différents gouvernements.
Enfin, un an après, on commence le travail !
Jeudi 27 septembre 2018. Première réunion de travail pour mettre en place la dite mission d’évaluation et de contrôle “des moyens mis en œuvre par l’Etat dans la lutte contre la délinquance financière”. Quasiment un an après la validation initiale de ma demande au nom du groupe de la France insoumise. Il était temps ! C’est un premier enseignement sur le fonctionnement cette commission, alors qu’on m’avait annoncé un début de la mission au printemps 2018, elle commence donc à l’automne, car les retards dans les autres évaluations ralentissent ou rendent impossible la bonne tenue du calendrier… Peut-être aussi est-ce à mettre en relation avec le changement climatique ? …
En réalité je découvre que sous le nom pompeux de comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale repose sur les épaules “d’une armée de personnels de l’administration” : cinq administrateurs dévoués à son service. Et qui enchaînent les divers sujets à évaluer. Ni plus, ni moins. Alors que l’évaluation est le chantre de la démocratie ordo-libérale permettant d’attester du sérieux du contrôle des politiques publiques, je constate dès le début de la mission, que nos moyens sont en réalité contraint… Encore une fois, tout repose sur le dévouement des fonctionnaires, mais je considère que si l’enjeu de l’évaluation est essentiel le peu de moyens consacré à cette tâche font plus l’œuvre d’une communication qu’un véritable positionnement d’un contre pouvoir.
Bref. Voilà le top départ de cette mission d’évaluation. Je rencontre mon co-rapporteur – c’est la règle, il y a toujours un représentant de la majorité aux côtés du rapporteur du groupe qui a sollicité l’évaluation – qui est mon collègue Jacques Maire, député LREM de la 8e circonscription des Hauts-de-Seine. C’est un haut fonctionnaire, diplomate et membre de la commission des affaires étrangères.
Une évaluation au périmètre aussi large que celui de la délinquance financière.
L’objet de cette première réunion est de définir, avec les administrateurs, le périmètre exact du sujet que nous aurons à évaluer pour les six mois dont nous disposons, ainsi que les méthodes de travail à employer. Une mission d’évaluation c’est comme une mission d’information. On peut faire des auditions, demander la communication de documents et se déplacer sur place. Bien sûr avec l’accord des intéressés, car nous n’avons pas les pouvoirs de coercition d’une commission d’enquête.
Allions-nous donc analyser la grande délinquance financière ? La petite et la moyenne ? Les moyens de la justice ? De la police ? Des autres administrations ? De la société civile ? Des organisations internationales ? A ce stade nous n’avons pas tranché. Surtout que la délinquance financière est un terme générique qui revêt plusieurs crimes ou délits : la fraude fiscale, le blanchiment, la corruption, le manquement à la probité, détournement de fonds, fraude aux marchés publics, le délit d’initié, la manipulation de cours, etc. Et cela va de la grande délinquance en col blanc à l’internationale, à la petite arnaque de proximité. L’immensité de la tâche fait d’ailleurs peur aux administrateurs, mais aussi à mon équipe…
De plus sur la méthode, j’ai imposé qu’on joue la transparence sur le maximum d’audition. Bon ça dépoussière un peu l’institution et surtout les pratiques mais l’enjeu est important pour ceux ou celles qui veulent moderniser l’action publique. Si je peux me résoudre à comprendre que certains fonctionnaires ne peuvent publiquement mettre en cause le manque de moyens ou pointer certains dysfonctionnement ; il n’en reste pas moins que bien souvent il s’agit simplement de présenter leur travaux et la cohérence (ou pas) de leur action. Ces informations pour moi participe à la démocratie ou en tout cas à son bon déroulement ! Mon co-rapporteur m’ayant rejoint, nous décidons d’imposer une règle de transparence par principe et le huis clos l’exception.
Pour nous aider à circonscrire nos travaux, nous décidons de voir en premier les organisations non gouvernementales (ONG) et les associations faisant références dans le domaine de la délinquance financière ainsi que les représentants français membre du Consortium international des journalistes d’investigation ayant participer aux différentes révélations de fraude fiscales. Les administrations étant un des enjeux dans un second temps.
[1] Disponible sur le site du Sénat : https://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-673-1-notice.html
[2] Disponible sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1423.asp