QE – Interrogation sur la pratique de l’épisiotomie en France
Question écrite | N° 21362 |
M. Ugo Bernalicis | La France insoumise – Nord |
Ministère interrogé | Solidarités et santé |
Question publiée au JO le | 09/07/2019 |
Réponse publiée au JO le | |
Lien hypertexte | http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-21362QE.htm |
M. Ugo Bernalicis interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la question du taux d’épisiotomies pratiquées en France.
L’épisiotomie est un acte chirurgical consistant en une incision visant à ouvrir le périnée au moment de l’accouchement afin de laisser passer l’enfant, lors de l’accouchement. Cette pratique et sa systématisation sont dénoncées depuis plus de quinze ans par les mouvements féministes, mais aussi plus largement depuis quelques années dans de nombreux témoignages dans la presse ou via les réseaux sociaux.
Cette lutte participe à la reconnaissance de l’existence des violences gynécologiques et obstétricales. Selon le dernier rapport de l’INSERM, 20% des accouchements étaient encore concernés en 2016 par la pratique de l’épisiotomie, ce chiffre s’élevant à 35% pour les premiers accouchements. Bien qu’une baisse par rapport aux taux constatés en 2010 a été enregistrée (27% en moyenne, 44% pour les premiers accouchements), le nombre d’épisiotomies pratiquées dans le pays reste préoccupant.
Si l’OMS recommande une moyenne maximale de 20%, elle pose cependant le chiffre de 10% comme idéal à atteindre, ce dont la France est encore loin. Pourtant, les différences qui existent entre les maternités au sein du pays montrent bien que cette pratique n’a pas à être systématique si des mesures sont prises pour l’éviter. Le CHU de Besançon, par exemple, enregistre un taux d’épisiotomies inférieur à 1% (selon le rapport de certification de l’établissement émis par la Haute autorité de santé en octobre 2018) ; dans le même temps, le nombre de déchirures graves, première raison médicale avancée pour justifier cet acte, n’y a pas augmenté. D’autres établissements hospitaliers affichent quant à eux des taux supérieurs à 30%.
Ce ne sont donc pas des impératifs médicaux qui justifient le taux d’épisiotomie dans le pays. Son utilité est d’ailleurs de plus en plus discutée au sein même du corps médical. En effet, les déchirures graves que l’épisiotomie est censée prévenir ne concernent que 0,4% des accouchements selon l’OMS, et elle n’aurait aucun impact sur la prévention des incontinences post-accouchement. Dès 2006, le Collège national des gynécologues-obstétriciens estimait qu’« il n’existe plus d’indication systématique pour l’épisiotomie ».
Il s’agit, de plus, d’une pratique médicale considérée de plus en plus comme une violence obstétricale, souvent réalisée sans le consentement de la femme, voire sans que celle-ci n’en soit informée. De nombreux témoignages, dont la diffusion en ligne s’est massifiée depuis les dénonciations d’actes sexistes depuis bientôt deux ans, attestent des souffrances physiques et psychologiques induites par l’épisiotomie, dont les conséquences se répercutent bien souvent sur le quotidien de ces femmes durant des mois et années après leur accouchement. Si des impératifs médicaux n’expliquent pas la persistance de taux si élevés en France, il convient de s’interroger sur les raisons qui poussent les praticiens et les praticiennes à autant y recourir. La formation qui leur est proposée et le manque de remise en question des pratiques qui y sont enseignées sont probablement à mettre en cause.
Cependant, à l’heure où l’hôpital public voit ses moyens financiers et humains toujours plus réduits par les pouvoirs publics, et où le nombre de services maternité est en inquiétante diminution, l’on peut comprendre que des obstétriciennes et des obstétriciens fassent le choix de pratiquer des épisiotomies en raison de rationalisation du travail et d’optimisation des coûts. Celles-ci permettent en effet d’accélérer la procédure d’accouchement ; gain de temps qui s’avère précieux pour des soignantes et des soignants toujours plus débordés face à des patientes toujours plus nombreuses. Il s’agit également d’un acte chirurgical, et donc facturé par les hôpitaux : ceux-ci peuvent donc voir l’épisiotomie comme une source potentielle de revenus.
Ainsi, il souhaite donc savoir ce que le Gouvernement compte mettre en place afin de réduire activement le nombre d’épisiotomies pratiquées, au regard de la non justification médicale de cet acte, qui induit violences et souffrances pour les femmes concernées.