Sécurité routière : une overdose de radars
Interpellé par près de 200 citoyens et usagers de la route de la 2ème circonscription du Nord au sujet de la volonté du gouvernement d’engager une nouvelle dépense de 190 millions d’euros pour implanter de nouveaux radars, je réponds ci-dessous à leurs questionnements et donne les pistes élaborées par la France insoumise pour répondre au défi de la sécurité routière par une autre politique que celles de la répression et du chiffre.
Monsieur le Député,
Lettre des électeurs de la 2ème circonscription du Nord transmise par la Ligue des conducteurs
Dans le cadre du Projet de loi de finances 2020, vous devrez vous prononcer sur la dépense de 190 millions d’euros voulue par le Gouvernement pour de nouveaux radars.
Attendu que l’on a maintenant une preuve irréfutable de l’inefficacité des radars : en décembre 2018, avec 60 % des radars hors service, le nombre de tués sur la route a été inférieur au même mois des années précédentes ;
Attendu que ces nouveaux radars auront pour seul effet d’accroître le harcèlement des conducteurs et le stress au volant au-delà du supportable ;
Attendu que vous avez à cœur de garantir le bon usage du budget de l’État, ainsi que la sécurité des Français ;
Je vous demande de vous opposer à cette nouvelle dépense dans les radars, aussi coûteuse qu’inutile, et de créer un débat à l’Assemblée nationale sur la mise en place d’une politique de Sécurité routière véritablement efficace pour sauver des vies sur les routes.
Comme vous le savez, l’objectif des gouvernements successifs en matière de sécurité routière a été de généraliser la doctrine du “tout-répressif” à l’encontre des usagers de la route. Cette fois, ce sont 1200 radars multi-fonctions que le gouvernement entend mettre en place d’ici fin 2020.
Pourtant, ce levier d’action rencontre des limites depuis quelques années. Par exemple, nous avons désormais le recul nécessaire pour observer que l’efficacité des radars s’estompe avec le temps, bien qu’ils aient permis une réduction drastique du nombre de décès sur la route lors de leur installation en 2003. Cela peut s’expliquer par la disparition de l’effet de surprise, la généralisation des avertisseurs de radars, mais aussi par le fait que les français ont intégré dans leurs habitudes une plus grande vigilance quant à leur vitesse au volant. Par conséquent, chaque nouveau radar déployé ne se traduira pas indéfiniment par une baisse significative d’accidents mortels sur les routes. Par exemple, en 2016 nous observions une hausse du nombre de décès parallèlement à la hausse du nombre de radars. Cette mesure est donc contestable, non pas en vertu des objectifs qu’elle entend poursuivre, mais bien parce qu’elle constituerait une dépense conséquente pour un effet limité sur la sécurisation des routes.
De même, la mise en place d’une limitation à 80km/h, sur laquelle la France insoumise avait émis de grandes réserves, n’a pas produit l’effet escompté par le gouvernement. Les chiffres de la sécurité routière n’ont pas permis de vérifier l’efficacité de cette mesure dans les mois qui ont suivi sa mise en œuvre, comme l’a démontré le Comité indépendant d’évaluation des 80km/h mobilisé par l’association 40 millions d’automobilistes.
Au vu de ces éléments, la France insoumise considère que la répression ne peut pas constituer à elle seule une réponse aux défis de la sécurité routière, car elle n’est pas la garantie de résultats. En lieu et place, nous proposons de mener une étude afin d’utiliser des radars plus pédagogiques et plus efficaces, comme le remplacement des radars qui fonctionnent sur des vitesses instantanées par des radars “tronçons” qui mesurent des vitesses moyennes sur des zones accidentogènes.
En outre, nous refusons de confier la mission de contrôle de la sécurité routière à des sociétés privées, notamment pour ce qui concerne le déploiement des radars embarqués. Cela doit rester une mission assurée par des fonctionnaires qui garantissent neutralité, discernement et éthique. Pour l’assurer, il convient d’augmenter leur déploiement sur les contrôles routiers et donc de remédier au manque d’effectifs de la police nationale et la gendarmerie. Nous proposons également de libérer les forces de l’ordre de certaines missions coûteuses et chronophages telles que la lutte contre le trafic de cannabis que nous comptons légaliser, bien que la conduite sous l’emprise directe de stupéfiants restera une infraction routière sanctionnée.
De manière plus générale, voici nos propositions en matière de sécurité routière :
Sur la prévention :
– Poursuivre et amplifier les campagnes de prévention à l’école dès le plus jeune âge.
– Augmenter les crédits alloués à la prévention hors cycle scolaire (événements autour de la prévention routière par exemple).
– Développer les outils de prévention notamment avec la réalité virtuelle et les simulateurs.
– Développer la formation à l’éco-conduite alliant les objectifs de sécurité routière et de diminution de la pollution, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé.
– Étudier la possibilité d’être plus stricte sur le cahier des charges des véhicules roulants autorisés, notamment le bridage du moteur autour des 130 km/h, la vitesse restant un des premiers facteurs de risque d’accident. Par ailleurs cela pourrait permettre de réduire la pollution de l’air qui a des conséquences sur l’organisme même si cela ne rentre pas strictement dans le champ de la sécurité routière.
– Encadrer les publicités commerciales en leur interdisant de mettre en avant la vitesse comme valeur positive.
– Diminuer le nombre de camions sur la route en développant massivement le ferroutage avec à la clé désengorgement du trafic et diminution de la fatigue liée aux longs trajets.
– Développer massivement les transports en commun en améliorant le maillage, la cadence et en tendant vers la gratuité. Les risques d’accident et de mort sont beaucoup plus faibles en transport en commun. Pour le vélo et les modes de déplacement doux, il est essentiel de soutenir les investissements sur la voirie et les infrastructures pour assurer des parcours sûrs.
– Améliorer le pilotage interministériel de la sécurité routière en assurant un positionnement hiérarchique fort de cette thématique.
Sur les addictions :
– Développer les campagnes de prévention concernant les drogues et l’alcool en associant le ministère de l’Intérieur et celui de la Santé. Cela ne doit pas rester le monopole du ministère de l’Intérieur qui de fait ne passe qu’un seul type de message lié à un seul point de vue.
Sur la formation au permis de conduire :
– Proposer la formation à la conduite et le passage du permis de conduire gratuitement dans le cadre d’un service citoyen obligatoire par conscription avant 25 ans et proche du lieu de vie. Cela permettra de s’assurer d’une durée de formation suffisante là où le coût de la formation pousse l’usager à acheter le moins d’heures de formation possible.
Concernant le projet de loi de finances 2020, je m’engage donc à voter contre cette mesure et à proposer la réallocation des 190 millions d’euros à des mesures de prévention et de mise en sécurité des routes accidentogènes, dont l’objectif n’est pas de pénaliser les usagers de la route.
Au travers des mesures listées ci-dessus, je réaffirme mon engagement total et celui de la France insoumise à faire de nos routes un lieu plus sûr pour tous.