Impliquez vous ! Ou quelqu’un le fera à votre place …
J’écris ce texte après un long silence sur mon blog.
J’écris ce texte après une séquence électorale et militante décevante pour ma part.
J’écris ce texte parce que j’aurais des remords de ne pas le faire, car au fond je n’aime pas être en retrait dans ce chamboulement politique.
J’écris ce texte en espérant qu’il suscitera un sursaut, un réveil, un éveil, un espoir, un avenir radieux.
Le titre de cet article est assez évocateur pour que le lecteur sache où je veux en venir. Je m’adresse particulièrement à mes proches, mes amis, ma famille, ceux qui m’ont aimé ou détesté, ceux qui me connaissent ou me reconnaissent. Nous avons tous une responsabilité individuelle dans la tournure dramatique que prend la situation politique. Jusque là, vous tous autour de moi, vous respectiez mon combat, mon implication, ma lutte, mon acharnement, ma passion pour la chose publique. Votre respect et votre reconnaissance m’ont souvent aidé à continuer, comme une sorte de carburant. Mais au fond, je ressens une certaine solitude dans mon engagement, comme si on me déléguait la responsabilité de mener la bataille pour nous tous, pour l’intérêt général. Mais cette délégation ne m’aide pas vraiment car à la fin nous sommes peu alors que nous devrions être si nombreux.
La lucidité est un impératif après le résultat des élections européennes.
On peut relativiser ce résultat de toutes les manières que l’on veut avec l’abstention, le nombre de listes, la dispersion des voix de l’autre gauche, il n’en reste pas moins que le FN arrive en tête avec 25% des votants aux élections européennes. Toute la « gauche » rassemblée (c’est-à-dire même avec le PS) obtient un résultat historiquement bas. Je veux tout d’abord vous proposer un constat, une analyse, avant d’essayer de vous convaincre de vous impliquer.
Pourquoi en sommes nous arrivés là
Le score quasi identique du Front de Gauche par rapport aux résultats des européennes de 2009 s’apparente à un “retour à la case départ”. Sauf que les scores des autres ont largement changé ! Et que nous avons échoué à atteindre deux objectifs que l’on s’était fixés : passer en tête de la gauche et faire baisser le score du Front National. Évidemment l’un ne va pas sans l’autre. Si l’un des deux avait été atteint, l’autre aurait suivi dans la foulée.
La séquence politique pour le Front de Gauche de 2009 à 2014 s’apparente à un pic avec pour sommet l’élection présidentielle et les 11% obtenus à ce moment là (4 millions d’électeurs). J’entends dire, et je lis ici ou là que Jean-Luc Mélenchon serait à la fois notre meilleur atout et notre plus grand problème. Je vais tout de suite évacuer deux idées reçues :
– “Jean-Luc Mélenchon a tord de s’attaquer aux médias comme il le fait.” Mais alors, comment se fait-il que Le Pen ait progressé alors qu’elle s’oppose aux médias sans distinction avec une méthode très agressive?
– “Jean-Luc Mélenchon s’oppose de manière dogmatique aux socialistes, ça nous dessert”. Et Le Pen ? Elle ne s’oppose pas à tout le monde de manière dogmatique peut-être ?
Je rebondis tout de suite sur ce que l’on pourrait me rétorquer à juste titre en me disant que ce qui fait le succès de l’un ne ferait pas le succès de l’autre, et que, tout de même, Jean-Luc parfois va trop loin. C’est vrai. Parfois il va trop loin, il se laisse emporter par sa passion. Mais j’ai du mal à lui en vouloir. Dans bien des cas j’aurais étrangler mon interlocuteur bien avant lui ! Mais je comprends parfaitement que cela puisse brouiller le message car tout le monde n’est pas aussi impliqué que moi, et que tout le monde a par ailleurs le droit de vote.
Cependant, ne faisons pas non plus le procès inverse. N’oublions pas qu’il n’y a absolument aucune raison objective qui fasse que le système médiatique nous fasse des cadeaux. Je fais juste remarquer que l’élection présidentielle où nous faisons le meilleur score, c’est aussi l’élection où il y a les règles les plus strictes en terme de temps de parole (même si c’est déjà pas très glorieux, je l’accorde volontiers). Demandez autour de vous, et vous-même peut-être, qui a regardé un débat concernant les élections européennes du début à la fin ? Même le débat du jeudi 22 mai sur France 2 avec Mélenchon, Le Pen, Copé, Jadot, Bayrou et Le Foll n’a réuni que 2,2 millions de téléspectateurs, se classant en 4e position des audiences, loin derrière la série policière de TF1.
Combien d’entre vous qui n’êtes pas cartés dans un parti politique êtes capable de défendre un point de vue argumenté concernant la sortie ou non de l’euro ? On vote aujourd’hui sur un sentiment, une impression, un ressenti et non plus sur des propositions. Et pour cause, quand est-ce qu’on parle politique ? J’y reviendrai …
Bref le FN est à 25%. Je ne peux décemment pas croire que nous y soyons pour quelque chose. Je m’explique. Personne ne s’est dit “tiens Mélenchon a raison, je vais voter Le Pen”. Ce n’est pas sérieux. L’électorat de Marine Le Pen s’est constitué sur les questions d’immigration et de lutte contre “les assistés”. Pour s’en convaincre j’invite celui qui le voudra à une séance de porte à porte. C’est toujours très instructif. Pis encore, elle a repris des expressions et des thématiques propres à la gauche radicale. Sur les plateaux, le FN s’en prend aux banquiers et à la finance avec véhémence tout comme nous le faisons, élargissant ainsi son audience dans les couches populaires. Et pourtant ils sont pour la baisse du coût du travail comme l’UMPS, le modem et d’autres.
Mais alors, pourquoi les gens n’ont pas voté pour nous ?
Je vais tenter de dresser une liste non exhaustive des raisons réelles ou fictives de ne pas voter Mélenchon/Front de Gauche :
– Parce que c’est Mélenchon et que quand même il est malpoli
– Parce qu’il s’en prend trop aux journalistes
– Parce qu’il est toujours en colère
– Parce qu’il s’attaque systématiquement à la gauche et pas à la droite
– Parce qu’il raconte la même chose que le FN sur beaucoup de sujets
– Parce que c’est un carriériste, il veut un poste comme tous les autres
– Parce qu’il a un ég sur-dimensionné
– Parce qu’il est pour que tous les étrangers viennent chez nous
– Parce que c’est un ancien membre du PS, ministre sous Jospin et qu’il a voté Maastricht en 1992
– Parce qu’il ne fera pas ce qu’il dit, comme tous les autres
– Parce que ce qu’il dit n’est pas faisable
– Parce que c’est l’ami de Chavez, Maduro, Castro et tous les “dictateurs de gauche”
Observez que pour l’instant je ne fais qu’effleurer les questions de fond … Cela dénote de l’incapacité de nos concitoyens à faire la part des choses entre la forme et le fond. Alors qu’on veut faire une 6ème république où on supprimerait le président de la République, c’est quand même bizarre de lui faire le procès de vouloir être président pour faire comme les autres, c’est-à-dire de l’argent et des postes pour les copains. Je continue sur le fond :
– Parce qu’on est dans la mondialisation et que ce n’est pas possible de remettre ça en cause
– Parce que sinon les riches vont partir et qu’il n’y aura plus d’emploi
– Parce qu’on ne dit pas clairement qu’on veut sortir de l’euro ou l’inverse
– Parce qu’on est des amis de Poutine (dernière nouveauté des médias de masse et de la bien-pensance)
– Parce le communisme c’est Staline, l’URSS et des millions de morts
– Parce que le marxisme ça n’a jamais marché
– Parce que toutes les révolutions n’ont pas duré et qu’il y a eu des morts et/ou la guerre
– Parce que c’est trop radical
– Parce que comment vont faire les PME si on augmente les salaires avec la compétition internationale
Je vais m’arrêter là. Je ne vois dans cette liste aucune assertion pour laquelle il n’y a pas eu de NOTRE part une réponse argumentée. Pire encore, Jean-Luc Mélenchon n’a jamais dérogé d’un millimètre du programme du Front de Gauche ! Cette liste d’ailleurs a inspiré de nombreux chiens de garde (comprendre journalistes fainéants à la solde de l’idéologie dominante capitaliste et libérale). Et pourtant, une bonne partie de ces invectives me sont balancées à la figure par des gens que je pourrais considérer comme étant des nôtres, par des gens souvent qui occupent une situation sociale aisée et stable. Je pense qu’à gauche, on est souvent trop dur avec nous-mêmes.
A cela s’ajoute le gloubi-boulga (pour ceux qui ne connaissent pas, c’est la nourriture de Casimir qui se compose de tout et n’importe quoi ^^ ) au sein du Front de Gauche. A un moment de l’Histoire où il y a l’impérieuse nécessité de se démarquer de la sociale-démocratie qui trahit les travailleurs en se convertissant au capitalisme d’aujourd’hui et à la politique de l’offre, c’est au même moment que les communistes, qui représentent le gros des troupes du Front de Gauche, adoptent une stratégie à géométrie très variable d’alliance avec les socialistes, notamment à Paris. Ceux-là n’ont fait que retarder l’inévitable, c’est-à-dire la fin de l’union de la gauche, type 1997 avec Jospin, pour cause de conversion du PS à l’idéologie dominante. Mais la realpolitik-des-élus-qui-financent-le-parti-et-que-Mélenchon-est-bien-content-de-bénéficier-des-moyens-financiers-et-humains-du-PCF l’a emporté. Ce raisonnement de beaucoup de cadres du PCF en pleine décomposition a vu son apogée à Hénin-Beaumont avec le ralliement à la dernière minute à un front pseudo républicain en trahissant lamentablement les autres composantes du Front de Gauche avec à sa tête David Noël, le pseudo-orthodoxe du PCF d’Hénin et son mentor Hervé Poly, secrétaire fédéral du PCF 62. Un coup Front de Gauche quand ça arrange et le reste du temps dans les jupes du PS. Hervé Poly a justifié son choix sur la base d’un pseudo-sondage bidon (l’histoire est impitoyable) – en public ; et en expliquant que quand même un adjoint ça rapporte pas mal tous les mois pour le parti – en off. Et tous les permanents, il faut bien les nourrir. C’est ça la politique, la vrai comme ils disent dans les grands partis. C’est ça la cour des grands. Dernier grand gagnant du PCF 62 : Jackie Hénin. Il perd son siège de député européen à pas grand chose. Le comble c’est que les départements où il perd des voix par rapport à 2009 ce sont le Nord et le Pas-de-Calais. Précisément les départements dans lesquels il est censé être connu !
On comprend déjà qu’il y a mille et une mauvaise raisons de ne pas voter Front de Gauche et que cela tourne en boucle sur tous les médias, bien souvent en l’absence de représentant du Front de Gauche pouvant se défendre et argumenter. Tel n’est pas le cas du FN, ou en tout cas n’est plus le cas. Et voilà qu’on détruit le peu de clarté qu’on avait réussit à construire jusqu’aux législatives avec cette stratégie pitoyable des communistes aux municipales.
Une remarque à ce moment de mon développement, assez long je vous l’accorde. Dans ma ville à Ronchin, le FN a obtenu 1383 voix au premier tour des municipales et 1381 voix aux européennes. Autant vous dire que s’il y a une candidate FN au poste de responsable du placard à balai ou à miss Univers, il y aura au moins approximativement 1380 voix. Ils ont fidélisé leur électorat et ça, pour inverser la tendance, ce n’est pas en allant leur expliquer un par un. Ou du moins, pas dans l’immédiat. De notre côté nous avons fidélisé également un électorat. Mais ce dernier ne nous permet pas de dépasser les 6 % aux européennes.
Conclusion
Pour résumer mon analyse, voici la liste des causes, selon moi, par ordre décroissant, et des raisons de la montée et de l’ancrage du vote FN (externes au FN) :
1 – l’UMP et les années Sarkozy, qui ont banalisés une bonne partie des idées et propositions du FN. La dernière en date c’est la suppression de l’aide médicale pour les étrangers. Comme si les microbes savaient si les gens ont des papiers en règle ou non.
2 – les médias dominants qui répètent en boucle que la fille Le Pen n’est pas comme son père, et qu’à force de crier au loup on finit par en voir la queue.
3 – le PS et les années Hollande, qui ont fait tout le contraire du peu qu’ils avaient promis. La dernière en date, le cadeau de 50 milliards au patronat pour relancer la compétitivité il paraît. La blague pour des gens qui se disent de Gôche. Conséquence : désespérance, dégoût et rejet de la politique dans son intégralité.
4 – les abstentionnistes qui mathématiquement pourraient tout changer s’ils votaient comme un seul homme …
5 – le PCF aux élections municipales qui a ruiné la clarté du Front de Gauche en faisant de lui un outil de préservation de leur appareil en fonction des situations.
6 – EELV qui a pendant trop longtemps été un satellite de secours du PS et un peu leur caution de gauche et écologiste. Ils n’ont d’ailleurs pas saisi les mains tendues du Parti de Gauche pour cause de sectarisme des communistes qui cultivent un anti-écologisme primaire. Une grande partie d’EELV cultive également un anti-communisme primaire tout aussi sectaire, qui s’est transformé en un anti-front-de-gauche primaire (avec Placé et Bové comme apôtres).
7 – tous les groupuscules de gauche qui parlent d’unité et qui ne la pratiquent jamais, passant leur temps à plutôt justifier ce qui les distingue que ce qui nous rassemble.
Fort de ce constat, je pense que si nous voulons (mathématiquement d’abord, politiquement ensuite) passer en tête de la gauche puis devant le FN, ce n’est pas en intensifiant nos efforts sur les électeurs du FN mais en rassemblant à la gauche du PS et en allant chercher les abstentionnistes. Reste une difficulté à surmonter : faire que la gauche parle encore aux gens, et qu’ils mettent derrière ce mot les bonnes choses, à savoir non pas le PS mais la sortie du système capitaliste par l’écosocialisme. Et oui, pour beaucoup trop de monde aujourd’hui la gauche fait partie du Système alors qu’elle est censée être anti-système (comprendre capitaliste). Sauf qu’avec un PS brouilleur de carte professionnel, il est impératif de s’y opposer sans concession et sans discontinuité tant qu’il ne dira pas clairement qu’il veut sortir du capitalisme.
Venons en à toi lecteur. Si tu as fais l’effort d’aller jusque-là, laisse moi te dire une chose : tu ne peux pas faire semblant de ne pas savoir ou de ne pas comprendre ! Et si tu ne t’impliques pas, d’autres vont le faire à ta place (ils le font déjà en vérité, et le patronat et les financiers en tête).
Tu veux qu’il y ait une gauche claire, radicale, populaire, rassembleuse et qui propose une politique en faveur de l’intérêt général ?
Tu veux que tes enfants ne grandissent pas dans un pays fasciste ?
Tu veux qu’on respecte l’environnement pour ne pas crever avec la planète ?
Tu veux être heureux ? Pouvoir passer du temps avec ta famille ? Avec tes amis ? Voyager ? Découvrir le monde ? Faire de la musique ? Ou que sais-je encore …
Tu trouves que les politiques ne viennent jamais frapper à ta porte ?
Tu trouves que tu n’as jamais d’information sur le sujet ?
Tu trouves que les politiques ne te ressemblent pas et qu’ils ne se soucient pas de toi ?
Implique toi ! Choisis un des partis (de préférence le mien mais je n’en fais pas une absolue nécessité) et va aux réunions. Dis ce que tu penses, dis ce que tu veux en faisant tout ton possible pour que ça arrive. Fais quelque chose ! Sois déterminé ! Agis !
Et ne me fais pas le coup de “j’ai pas le temps”, “j’y connais rien”, ou d’autres arguments qui n’en sont pas ! Comment font-ils les militants à ton avis ? Et puis agir ça peut prendre plusieurs formes. Tu peux donner des sous si tu en as les moyens. Comme ça on pourra avoir un local pour se réunir, un endroit où recevoir les doléances des citoyens. Avec encore plus de sous, on pourrait même avoir des salariés qui aident le parti à se développer. Tu peux distribuer quelques tracts à tes collègues, à ta famille, à tes voisins proches, ou les envoyer par email. Tu peux faire de la propagande sur ton mur Facebook, ton Twitter. Et quand dans le bus ou à la boulangerie tu entends dire que c’est la faute “des assistés et des étrangers”, interviens ! Interromps ces gens, argumente avec tes tripes. Parce que sinon à la fin, il ne faudra pas pleurer et dire qu’on vit dans un pays ou le fascisme monte et où chacun se regarde de travers.
Allez pense à toi en te battant pour les autres. Parce qu’au fond, c’est quand même pas bandant d’être heureux dans un océan de malheur.
A très vite de te voir te battre à mes côtés.
L’avenir nous appartient et sera ce que nous en ferons.