L’industrie du jeu vidéo, entre splendeur et précarité
Un secteur économique en plein développement
Depuis plusieurs années nous assistons à une explosion du secteur du jeu vidéo dans l’économie mondiale, mais aussi en France. La cinquième édition du baromètre annuel de l’Agence française du jeu vidéo en atteste largement. Elle prévoit ainsi par exemple la création pour l’année 2019 de 1200 à 1500 nouveaux emplois dans le jeu vidéo.
Les résultats économiques sont impressionnants, le chiffre d’affaire du secteur pour l’année 2018 s’élevant à 4,9 milliards d’euros. Il s’agit d’un record pour l’industrie du jeu vidéo, qui enregistre une progression de 15%.
La puissance publique est également impliquée puisque le recours aux aides publiques augmente. Ce sont aujourd’hui 62% des entreprises qui en bénéficient.
Il est donc essentiel pour les pouvoirs publics de prendre la mesure de ce secteur en pleine croissance, véritable atout pour le pays, et de l’accompagner au mieux dans les évolutions qui le traversent. C’est dans cette optique qu’un groupe d’étude du jeux vidéo a été créé à l’Assemblée Nationale fin 2017, dont je suis l’un des vice-président·e·s.
Rencontres avec les acteurs et actrices du jeu vidéo
Ce groupe d’étude s’attèle à suivre les changements et défis auxquels fait face le secteur du jeu vidéo en France, qui est en permanente évolution. Nous rencontrons notamment régulièrement les acteurs et actrices qui le façonnent et qui font sa force.
Le groupe se rend ainsi à des événements clefs du secteur, comme le salon du jeu vidéo ou encore la Paris Games Week. Cette immersion au cœur de notre sujet permet de découvrir les technologies émergentes dont l’univers vidéo ludique s’empare, comme la réalité virtuelle qui, ces dernières années, connaît un succès exponentiel et offre de nombreuses nouvelles possibilités aux créateur·rice·s et aux joueur·se·s.
Les studios du géant français du secteur Ubisoft, visités par le groupe d’étude, ont attesté des potentialités françaises dans le domaine. Il s’agit du plus gros producteur du pays, qui s’impose au niveau mondial à la troisième place du podium. Il a ainsi développé des jeux tels que les sagas Assassin’s Creed, Just Dance ou encore Watch Dogs, qui rencontrent un succès mondial. Cela constitue un véritable atout pour la France, dans ses capacités d’exportation de productions nationales dans de nombreux pays.
Enfin, j’ai eu l’occasion de me rendre à Valenciennes dans l’école privée Rubika avec d’autres insoumis·e·s en octobre dernier. Cet établissement est à la pointe des nouvelles technologies du design, de l’animation et du jeu vidéo. Nous y avons rencontré des étudiant·e·s et découvert des formations innovantes destinées aux acteurs et actrices de demain, dans un secteur où les débouchés professionnels sont toujours plus nombreux et variés.
Derrière la dynamique du secteur, la réalité de la précarité et des super-profits
Il est nécessaire aujourd’hui pour les pouvoirs publics non seulement de prendre la mesure économique du secteur du jeu vidéo, mais également de saisir les questions essentielles qui le traversent, liant des problématiques politique à l’univers vidéo ludique.
Le sujet de l’emploi et des conditions de travail du domaine est ainsi fondamental. Le taux de CDI y est en effet inférieur à la moyenne française, et de nombreuses personnes y sont embauchées via des contrats missions. Une certaine précarité de l’emploi caractérise donc ce secteur, qui manque de structuration et nécessite donc une régulation par les politiques publiques.
C’était d’ailleurs là le sens de mon intervention en avril 2018 dans l’émission Soft Power de France Culture. J’ai eu l’occasion d’y parler de cette problématique en particulier, en faveur d’une vraie prise en compte par la puissance publique.
Le secteur du jeu vidéo derrière son côté “fun” cache de véritable capitalistes voraces. En atteste l’actualité récente des studios Activition-Blizzard (1). Dans ce secteur particulier, les dispositions du programme l’Avenir en commun en matière de droit du travail empêcheraient la rapacité de patron ou d’actionnaires peu scrupuleux, comme l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits. Sans compter les patrons voyous qui refusent d’écouter les revendications légitimes des exploité·e·s du jeu vidéo (2).
Heureusement un jeune syndicat s’est lancé dans le secteur et il convient de leur faire la publicité nécessaire pour leur détermination. Leur site internet c’est par ici : https://www.stjv.fr/. La formation des professionnel·le·s du jeu vidéo pose également question. Elle est en effet dispensée la plupart du temps par des établissement privés aux tarifs très importants. Une partie non négligeable des étudiant·e·s est donc de fait écartée, ce qui prive le secteur de potentiels talents et décourage une mixité sociale pourtant essentielle dans tous les domaines d’activité.
Enfin l’univers vidéo ludique soulève des questions sociales et sociétales importantes, dont fait partie la place des femmes dans le domaine. Si elles sont de plus en plus nombreuses parmi les travailleur·se·s du secteur, elles ne représentent encore que 14% des effectifs selon l’Agence française du jeu vidéo. Il s’agit là d’un retard considérable, d’autant plus que le public visé par les productions se compose pour moitié de femmes, les joueurs étant à 52% fait des joueuses. La question de l’image de la femme véhiculée par les jeux est elle aussi prégnante. Elle y a longtemps été mise en avant de manière très sexualisée, présentée avec tout comme objet plutôt que comme sujet actif du jeu. Heureusement, des évolutions récentes sur ce thème témoignent d’une changement dans le bon sens et qui s’adapte aux demandes des joueur·se·s.
(1) https://www.journaldugeek.com/2019/02/13/activision-blizzard-chiffre-daffaire-record-800-licenciements/
(2) https://www.gamekult.com/actualite/eugen-systems-a-licencie-6-de-ses-employes-ayant-pris-part-a-la-greve-de-2018-3050812425.html