Nationalisation de la police municipale !
Suite à une rencontre entre le “Syndicat de défense des policiers municipaux” (SDPM) et le ministère de l’Intérieur le 22 septembre 2016, on apprend par la voix de ce “syndicat” (qui fait plus office de corporation qu’autre chose) qu’un décret devrait paraître rapidement pour généraliser l’armement en SIG Sauer (arme de poing 9mm dont sont équipés les policiers nationaux) des policiers municipaux. Le SDPM déclare même que “L’armement doit être la règle et le non-armement une décision dûment motivée et passée en conseil municipal”. Cette déclaration est symptomatique d’une corporation qui s’autonomise de plus en plus de la volonté municipale. Cela nous donnerait presque l’impression de vouloir subordonner la démocratie locale à la volonté des policiers municipaux. Heureusement, il ne s’agit que d’une phrase malheureuse d’un syndicat visiblement en quête de revendications choc, en espérant que la majorité des policiers municipaux soit plus “raisonnable”, ou au moins davantage citoyenne en plaçant la souveraineté des décisions démocratiques au dessus des autres décisions.
Tous des hypocrites !
Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, avait annoncé sa volonté d’armer plus de policiers municipaux mais aussi de leur donner accès aux différents fichiers nationaux : permis de conduire, voitures volées, immatriculations. En somme, il s’agit de donner de plus en plus d’attributions de police nationale aux policiers municipaux. Mais alors pourquoi ne pas nationaliser la police municipale ?! Les municipaux ne cessent de réclamer de vouloir ressembler aux nationaux… exhaussons leur vœu !
Oui mais voilà, ce n’est pas ce que fait le gouvernement car :
- Le budget n’est pas au rendez-vous et que l’Etat est très très heureux de pouvoir faire reposer une partie de ses compétences sur les budgets locaux … et sans transfert de crédits supplémentaires !
- Beaucoup de maires peu scrupuleux utilisent la police municipale pour des raisons politiciennes pour montrer que la sécurité est un enjeu important pour eux, Nice étant la caricature de cela. Il est d’ailleurs rigolo de voir des maires pris au piège de leur démagogie le moment où, pour cause de contraintes budgétaires, ils doivent réduire la voilure sur les effectifs de la police municipale. En règle générale, l’opposition s’empare du sujet avec l’aide des agents municipaux pour crier au scandale et au laxisme plus ou moins à tort.
- Toujours pour des raisons démagogiques et politiciennes, beaucoup de maires souhaitent garder des policiers sous leurs ordres directs. La police “municipale” finit souvent par devenir la police “du maire”. Nous avons tous des expériences militantes où la police municipale débarque lors d’une distribution de tracts aux abords d’un marché pour sommer les militants d’arrêter la diffusion en vertu de l’arrêté municipal X incontestable sur le moment, peu importe sa légalité. Je ne m’attarderai pas non plus sur les consignes pré-électorales passées pour limiter les amendes de la circulation et du stationnement…
- Enfin les policiers municipaux ne suivent pas la même formation que les nationaux : 6 mois pour les premiers et 1 ans pour les autres. Ils ne sont donc pas transférables du jour au lendemain.
La solution de facilité de nos gouvernants est donc de renforcer les polices municipales en dépit du bon sens et des enjeux de sûreté, qui eux sont bien réels. L’ironie, c’est que la police municipale non armée, qui faisait de sa proximité avec la population une marque de fabrique, se retrouve, en étant armée, à être réduite à une police de réaction, comme la nationale. Il faut dire qu’il est plus simple de renforcer un corps constitué de manière tout à fait clientéliste plutôt que d’avoir une véritable réflexion sur le sujet.
Nationalisons la police municipale !
Dans quelle perspective nationaliserait-on la police municipale ? N’a-t-elle pas de vertu en elle-même ? N’est-on pas suffisamment centralisateur comme ça ?
Dans bien des cas on entend dire : “heureusement que la municipale est là, parce que si on doit compter sur la nationale, on peut toujours attendre”. Et si on pouvait compter sur la nationale ?
A d’autres moments on nous dit : “la police municipale fait un travail de proximité et de terrain que la police nationale ne fait pas”. Et si la police nationale faisait aussi ce travail ?
Au-delà de la forme interrogative et provocatrice, il y a un élément important dans le débat. Nous sommes dans une république une et indivisible et qui a à coeur l’égalité en droit des citoyens notamment pour l’accès aux services publics. Et ça ne choque personne aujourd’hui qu’il n’y ait pas des polices municipales de même proportion dans chaque ville (et village !) ? A l’heure actuelle, avoir une police municipale c’est un luxe. Et quand le choix d’en avoir une est fait, c’est de l’argent public de la municipalité qui ne va pas à autre chose. Ce n’est clairement pas satisfaisant d’avoir une qualité de sûreté locale en fonction de la richesse des communes, et donc en de ses habitants. C’est encore le meilleur moyen d’avoir une sécurité pour les riches, et démerdez-vous pour les autres.
Prenons un peu de hauteur pour regarder ce que nous pourrions faire :
- Intégrer par un plan progressif les 20 000 policiers municipaux aux effectifs de police nationale, avec un volet formation d’au moins 6 mois pour atteindre l’équivalent de l’année côté PN. Ceci aurait deux avantages : satisfaire les policiers municipaux qui jalousent leurs collègues de la nationale et renforcer les effectifs de la police nationale en très peu de temps.
- Flécher en priorité ces effectifs nouveaux à la police de proximité qu’il est impératif de remettre en place et les fidéliser sur leur territoire d’affectation (ceci fera l’objet d’un autre article).
- Redéfinir clairement les compétences du maire en terme de sûreté.
- Renforcer les structures de coopération locales entre les différents acteurs : policiers, élus, bailleurs, éducateurs, associations, et représentants d’autres administration. Il faut aller plus loin que les actuels CLSPD (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) qui sont trop souvent des réunions de chefs à plumes qui ne débouchent sur rien. Seuls les acteurs de terrain, dont le policier de proximité, suffisent pour échanger réellement sur le diagnostic de sécurité local et les solutions concrètes à apporter. Dans ces réunions, la présence des représentants hiérarchiques respectifs, ne permettent pas de traiter les problèmes sur le fond. Il faut donner des marges de manoeuvres aux acteurs de terrain en leur faisant confiance, et en les responsabilisant. Ce qui n’empêche pas par ailleurs les acteurs de terrain de rendre des comptes à leur hiérarchie. Le CLSPD renforcé doit pouvoir se réunir régulièrement en formation de travail. De plus, il pourrait se réunir une fois par an en formation plénière publique pour échanger avec les habitants sur le bilan de l’année précédente et les perspectives pour l’année à venir avec, en plus, l’édile local et le chef de la circonscription de police.
Ces effectifs de proximité ne seraient d’ailleurs pas forcément armés puisque faisant partie de la grande maison police et donc en liaison directe avec leurs collègues si une intervention plus musclée était nécessaire (car l’argument de la sécurité des policiers eux-même revient souvent). Le fait que ce soit une force unique est une garantie évidente sur le sujet.
Le maire serait quant à lui assuré d’avoir des effectifs dédiés à son territoire sur lesquels il peut compter et qui connaissent la situation. Dans bien des cas cela éviterait des interventions disproportionnées qui ne font qu’empirer la situation. Cela permettrait également d’en finir avec les déserts de moyens humains de sûreté dans les villes qui n’ont pas les moyens d’y pourvoir.
Bref, vous l’aurez compris, dans le cadre du déploiement d’une police de proximité digne de ce nom, l’intégration de la police municipale à la nationale serait un puissant levier pour réussir ce défi.
Alors n’attendons plus, nationalisons la police municipale !