QAG – Chantiers de la justice
Question orale | Sans débat |
M. Ugo Bernalicis | La France insoumise – Nord |
Ministère interrogé | Ministre de la Justice |
Question posée le | 20/02/2018 |
Lien hypertexte | https://www.youtube.com/watch?v=vIT0o4VJp9w&t=3s |
Texte de la question
Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, depuis plusieurs mois ont été lancées des consultations sur des chantiers de la justice, avec des objectifs affichés de simplification des procédures pénales et civiles, d’amélioration de la qualité, de lisibilité, d’accessibilité de la justice et d’efficacité des peines. Très bien !
Mais de « consultation », il n’y a que le nom : nombreuses sont les organisations professionnelles de magistrats et de fonctionnaires qui dénoncent l’agenda intenable et les conditions dégradées dans lesquelles la consultation a lieu, reprochant d’ailleurs le caractère simpliste et orienté des questionnaires adressés aux juridictions. Vous avez évoqué tout à l’heure le fait que les OPJ pourraient se voir confier de nouvelles missions : voilà un exemple de question orientée. La méthode n’a rien à envier à celle des instituts de sondage. Le processus est en réalité conduit à marche forcée – comme d’habitude –, et les propositions ne tiennent aucun compte de la réalité de la justice en France.
Alors que vous êtes une ministre dite « experte », vous avez réussi à vous mettre à dos les magistrats, les fonctionnaires des services judiciaires et les avocats lesquels, le 15 février dernier, se sont mobilisés de manière unitaire pour une justice de qualité.
On peut les comprendre, car la justice française est en piteux état. Avec votre gouvernement, la France se situe au vingt-troisième rang sur vingt-huit au sein de l’Union européenne pour son budget alloué à la justice : seulement 1,8 % du budget public annuel, soit moitié moins qu’en Allemagne – exemple cher à votre gouvernement.
Les conséquences de la sous-budgétisation sont dénoncées depuis longtemps et la clochardisation – comme il convient de l’appeler – de la justice française conduit à son dysfonctionnement voire, dans certains cas, à un déni de justice.
En effet, les équipements informatiques sont indigents, les logiciels obsolètes ou inadaptés. Quant au budget de l’aide juridictionnelle, il est très insuffisant par rapport aux besoins de justice. En outre, le système survit grâce à la seule conscience professionnelle des personnels ; il faut le rappeler.
Avec les chantiers de la justice, vous n’avez visiblement pas la volonté d’améliorer ou de révolutionner – pour paraphraser le Président de la République – la situation. Ma question orientée – comme dans votre pseudo-consultation – est la suivante : madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous confirmer que la réforme à venir vise, non pas à répondre au besoin de justice, mais à adapter la justice à la disette budgétaire que vous inflige votre collègue Darmanin ?
Texte de la réponse de la ministre de la Justice, garde des Sceaux, Nicole Belloubet
Monsieur Bernalicis, je ne sais pas si je me suis mis à dos les professions du droit mais du moment que je ne me mets pas à dos les députés de La France insoumise, tout ira bien ! (Sourires.)
Vous évoquez une consultation simpliste, une consultation de façade, une pseudo-consultation. Dont acte : je vous laisse libre de penser ce que vous voulez. Je pourrais toutefois soumettre à votre regard acéré les centaines et centaines de remontées que nous avons eues ; ce sont plus de 200 consultations orales auxquelles MM. Houillon et Raimbourg se sont livrés ; ce sont plusieurs milliers de consultations qui nous sont parvenues sur le numérique – tout cela, me semble-t-il, ne relève pas de la pure consultation de façade. En tout cas, j’ai connu des consultations qui étaient plus de façade que celle à laquelle je me suis livrée.
Je ne crois pas, monsieur Bernalicis, que la justice française ait jamais été dans une situation de grande opulence. En revanche, et même si nous ne sommes pas le premier gouvernement à faire des efforts notables en faveur de la justice, je crois que nous remontons la pente par rapport à des périodes beaucoup plus difficiles.
Lorsque nous recrutons, comme c’est le cas cette année, plus de 148 magistrats supplémentaires, qui viendront s’ajouter aux magistrats déjà en poste – grâce à des recrutements effectués il y a trois ans mais que nous maintenons à la même hauteur – ; lorsque j’augmente le budget de la justice de près de 4 %, lorsque je vous annonce une loi de programmation qui, en un peu plus de trois ans, mettra sur la table plus d’1 milliard d’euros, cela n’est pas négligeable. Si nous modifions notre façon de travailler et continuons à recruter des personnels pour la justice, nous pourrons réellement faire progresser notre service public.